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Le Roman de Renart - 1 - Le vol des poissons

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ATU1: Le Roman de Renart - 1 - Le vol des poissons

Mes chers enfants, il y a bien longtemps le renard s'appellait Goupil. Il pouvait parler et etait connu pour jouer des tours a tout le monde.

Cette fois-ci, Renart était chez lui mais il avait épuisé ses réserves. Il n'a plus rien à se mettre sous la dent, ni rien non plus pour acheter à manger. La nécessité le met en route.

La faim lui mène une guerre sans merci et il se demande avec inquiétude ce qu'il va bien pouvoir faire mais il finit par arriver au bord d'un chemin.

Il se couche alors au pied d'une haie attendant les événements.

Or, voici qu'il voit arriver à vive allure des marchands le vent lui apporte une exquise odeur de poisson.

En un eclair il devise un plan pour tromper les marchands. Il se couche au milieu du chemin et voici comment il s'y prend pour les attraper : allongé de tout son long sur une touffe d'herbe, il fait le mort. Lui qui s'y entend à tromper son monde, est là, les yeux fermés, babines retroussées et retenant sa respiration.

Avez vous deja entendu une telle fourberie?

Le premier charetier à l'apercevoir l'examine avant de s'écrier à l'adresse de son compagnon : « Regarde, c'est un goupil ou un chien. » Et l'autre, qui l'a vu, à son tour de répondre : « C'est un goupil, va le prendre, allez ! Mais fais attention, maudit gars, qu'il ne t'échappe pas ! Il sera bien malin, ce Renart, s'il arrive à sauver sa peau. » Suivi de son compagnon, le marchand s'avance rapidement jusqu'à Renart ; ils le trouvent toujours ventre à l'air et le retournent de tous côtés, sans crainte, persuadés qu'ils ne courent aucun risque d'être mordus. Ils évaluent la peau de son dos puis de sa gorge : selon l'un, elle vaut trois sous4, mais l'autre renchérit : « Dieu garde ! A quatre sous, elle serait bon marché. Nous ne sommes pas trop chargés, mettons-le sur notre charrette. Regarde donc comme sa gorge est blanche et sans taches. » A ces mots, ils se décident et le jettent sur leur chargement, puis ils reprennent leur chemin sans cacher leur commune satisfaction.

« Tenons-nous-en là maintenant, disent-ils, mais demain, nous vendrons sa peau au marché. »

La plaisanterie leur paraît bonne, mais Renart ne s'en soucie guère car il y a loin entre dire et faire.

Couché à plat ventre sur les paniers, il en ouvre un avec les dents et en retire, croyez-moi si vous voulez, plus de trente harengs. Après cela, le panier était quasiment vide, et Renart s'était joyeusement rempli l'estomac sans réclamer ni sel ni poivre ou citron.

Mais avant de s'en aller, il va de nouveau lancer sa ligne, je vous le garantis.

Il s'attaque en effet à un autre panier, et, y plongeant le museau, en extrait trois chapelets d'anguilles. Et comme il avait plus d'un tour dans son sac, il passe la tête et le cou au travers puis les arrange de manière à en faire un collier ; voilà qui lui permet d'arrêter les frais. Mais il lui faut trouver un moyen de descendre à terre sans marchepied. Il s'agenouille pour pouvoir examiner comment calculer au mieux son saut. Puis il s'avance un peu et, prenant appui sur ses pattes de devant, il s'élance du haut de la charrette jusqu'au chemin, emportant son butin6 autour du cou. Une fois à terre, il crie aux marchands : « Dieu vous garde ! Me voilà bien servi en anguilles, vous pouvez garder le reste. » A l'entendre, ils n'en croient pas leurs oreilles. « Le goupil ! » s'écrient-ils. Puis ils sautent sur la charrette, pensant y prendre Renart qui n'avait guère songé à les attendre, ce qui fait dire à l'un d'eux : « Nous l'avons bien mal surveillé, je crois. » « Voilà ce que c'est que d'être trop sûr de soi », s'exclament-ils en levant les mains au ciel. « Nous faisons une belle paire d'imbéciles : ne pas nous être méfiés de Renart ! Il a bien allégé les paniers ; le poids n'y est plus. Il emporte deux chapelets d'anguilles. La peste soit de lui ! Diable de Renart, qu'elles vous restent dans la gorge ! »

« Je n'ai aucune envie de me disputer, seigneurs, dites ce qui vous plaira ! Moi, Renart, je ne vous répondrai pas. »

Les marchands se précipitent derrière lui, mais ce n'est pas aujourd’hui qu'ils l'attraperont car son cheval est trop rapide.

Il file au travers d'un vallon et ne s'arrête qu'une fois arrivé à un enclos.

Quant aux marchands, tout penauds, ils abandonnent la poursuite, s'avouant vaincus, et reviennent sur leurs pas.

Pendant ce temps, Renart qui s'était déjà tiré de situations plus difficiles, se dépêche de rentrer chez lui où les siens l'attendent bien affame.

Ses fils lui font bel accueil et lui nettoient les jambes ; puis ils écorchent les9 anguilles, les coupent en tranches et font des brochettes avec des baguettes de coudrier10 sur lesquelles ils les enfilent.

Le feu est vite allumé car ils ont encore une bonne réserve de bûches ; ils l'activent en soufflant dessus de tous les côtés ; et une fois les tisons transformés en braise, ils y mettent les anguilles et se regalent.